23 février 2014
Je ne souhaite pas animer des ateliers d'écriture
J’ai beau avoir demandé la suppression de l’option ateliers d’écriture dans les différentes listes d’animations que je suis en mesure d’assurer et qui traînent sur quelques supports d’information paralittéraires, on m’a encore récemment proposé d’en animer un. Je persiste et signe : je ne souhaite pas animer des ateliers d’écriture.
Ceci dit, douillettement installé et bien planqué derrière l’écran de mon Mac en attendant que mon austère campagne de petite montagne fasse éclore quelques primevères, j’en organise un express dont voici le thème: revisitez la devise de la République (Liberté Égalité Fraternité) selon votre goût et vos priorités. Puisque c’est moi l’animateur ce soir (et c’est la dernière fois), je commence : Sécurité Libertés Politesse.
Sécurité parce que c’est la première chose qu’un état démocratique doit fournir au citoyen, Libertés au pluriel parce que ce mot n’a de sens qu’au pluriel et Politesse à la place de Fraternité parce que la politesse peut éventuellement déboucher sur un peu de fraternité.
Vous avez tout le temps que vous voulez et personne n’aura de mauvaise note. Si mon unique atelier d’écriture express marche, je suis impatient de connaître les résultats. S’il n’y a pas de résultats, cela ne m’empêchera pas de dormir. Pas de voyage en autocar grand tourisme ou de montre à fuseaux horaires à gagner mais, à la rigueur, ma considération distinguée (dans la limite des stocks disponibles).
00:16 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : atelier d'écriture, liberté, égalité, fraternité, sécuirité, libertés, politesse, animation, paralittéraire, christian cottet-emard, blog littéraire de christian cottet-emard, humeur, humour, considération distinguée
13 février 2014
Aventures d’une casquette magique
Pourquoi me suis-je un jour mis en tête d’écrire des histoires et d’en faire ma principale activité? Plusieurs réponses me viennent à l’esprit chaque fois que je m’interroge à ce sujet, signe que la raison principale de ce choix reste obscure.
Au milieu des années soixante du siècle dernier, ma mère m’emmenait chez le coiffeur et le bonhomme en était quitte pour un quart d’heure d’épopée, de récits haletants et baroques dont les épisodes avaient tous pour cadre le modeste appartement familial et la vieille demeure des grands-parents. Si l’homme aux ciseaux ne connaissait pas depuis des décennies les deux respectables familles, il aurait peut-être pu se laisser convaincre — non pas que mes parents étaient des agents secrets un peu sorciers sur les bords — mais que l’ambiance à la maison pouvait être perturbée, qu’on ne me laissait pas assez dormir ou qu’on me donnait trop de café. Ainsi ne trouvait-il rien de mieux à dire à ma mère d’un ton mi-admiratif mi-perplexe après m’avoir rendu à ma casquette à carreaux et pompon « mais où va-t-il chercher tout ça ? » , question des plus pertinentes puisque je continue moi-même à me la poser aujourd’hui, une petite quarantaine d’années plus tard.
La fameuse casquette, justement, (à carreaux et pompon) aurait pu fournir au coiffeur un élément de réponse s’il avait eu le temps, entre deux bols, de jeter en direction de la rue un œil à travers la vitre opaque de son salon aux fauteuils chromés garnis de moleskine rouge, ce jour où il aurait pu voir un coup de vent soulever le ridicule couvre-chef de ma brosse toute fraîche pour l’envoyer se poser dans la vespasienne aujourd’hui disparue et qui, je le note au passage, manque beaucoup en cette époque funeste où un petit pipi vous coûte vingt centimes d’une monnaie forte. Au rendez-vous suivant, il aurait en effet logé la source d’inspiration de l’incroyable histoire de casquette magique qui s’envole toute seule de la tête d’un enfant qui ne l’aime pas et qui, un peu aidée par le zéphyr tout de même, retombe dans une pissotière où le destin la soustrait à l’infamie en la faisant atterrir sur la tête d’un occupant de l’édicule, un clochard qui avait justement perdu la sienne et qui en avait bien besoin d’une nouvelle, certes pas tout à fait à sa taille.
« Mais où va-t-il chercher tout ça, cet enfant ? » Pas très loin, pourvu qu’il ait un bon public. J’en trouvai un au cours préparatoire, certes limité à une personne mais de qualité puisqu’il s’agissait du maître d’école, pas méchant mais de sinistre aspect avec son air ténébreux et sa haute silhouette ascétique surmontée d’une veste sombre posée sur les épaules comme une pèlerine d’où pouvaient promptement s’envoler à destination de nos joues roses deux paumes aussi larges que des assiettes. Je les entends encore claquer sur ma figure le jour où, pour moi et quelques autres, elles se firent l’instrument du châtiment que nous attirâmes sur nous après avoir passé une semaine à pousser des hurlements sauvages dans la nef de l’église, juste pour le plaisir de réveiller un écho que le curé n’apprécia pas.
Cette mémorable mornifle ne me dissuada point de raconter à ce maître redouté, devant l’auditoire ébahi de mes camarades et avec un luxe de détails des plus réalistes, un voyage à New York qui n’était pas tout à fait imaginaire puisque ma jeune marraine s’y était transportée en avion en compagnie des membres de sa chorale « do, mi, sol ,do » . Sans vouloir me vanter, j’avais si bien puisé dans ses multiples anecdotes pour étoffer mon récit que le maître, hélas, n’eut de cesse d’en connaître d’autres détails lorsqu’il rencontra mes parents.
L’homme au tableau noir et au regard de la même couleur ne m’infligea aucune sanction et s’abstint de tout commentaire, à ma grande surprise car je m’attendais plutôt à un envol fulgurant suivi d’un raid de représailles de ses grosses paluches contre mes joues déjà bien rougissantes. J’étais encore trop jeune pour savoir qu’on pardonne beaucoup à ceux qui savent raconter de belles histoires et que ce don peut propulser tout individu pas forcément bien intentionné dans les hautes sphères de l’économie et de la politique (de nos jours sœurs jumelles) mais je crois me souvenir de l’étrange sensation qui m’étreignit ce jour-là : je venais de découvrir la puissance de la narration.
Photo : le vieux salon de coiffure et ses fauteuils moleskine (photo © MCC)
Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? éditions Le Pont du Change à Lyon (Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8). En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. BON DE COMMANDE
00:37 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : magazine des livres, lafont presse, tu écris toujours ?, feuilleton, christian cottet-emard, blog littéraire, conseils aux écrivains, éditions le pont du change, lyon, paris, humour, littérature, presse, chronique, édition, vie littéraire, politique, écrivain, auteur, coiffeur, salon de coiffure, fauteuils moleskine, coupe au bol, brosse, casquette, pompon, vespasienne, pissotière, new york, usa, chorale do mi sol do, oyonnax, école jeanne d'arc, ciseaux, vitrine coiffeur, lisbonne, portugal, europe, saudade
09 février 2014
Signe de feu et « minguet »
Avec les années, l’hiver me pèse de plus en plus, surtout dans ma campagne. En ce moment, il n’est pas trop méchant et les couches de neige successives sont vite balayées par de forts coups de vent du sud. Du coup, économies substantielles de gaz grâce au feu de bois qui suffit pour l’instant à chauffer toute la maison mais au prix d’efforts de manutention dont je me passerais bien (stockage, rangement, transport).
En attendant la prochaine livraison de six stères, je me dépanne avec du bois entassé par mon défunt père qui avait des coupes affouagères et qui avait accumulé de grandes quantités qu’il n’a pas eu le temps de tronçonner. Il m’a donc fallu, cette semaine, manier la tronçonneuse, moi qui n’utilise jamais d’outils mécaniques dans ma vie quotidienne parce que je n’aime pas ça et parce que je suis extrêmement maladroit.
Minguet !
Mon père avait un mot pour cela, minguet. Il se désolait de me voir minguet parce qu’il était surpris, déçu et inquiet à juste titre que je ne sache rien faire de mes dix doigts. C’est même une des nombreuses raisons de notre rendez-vous manqué dans la vie, mon absence d’habileté, ma maladresse à saisir des objets, ma tendance à casser mes jouets, mon indifférence pour les jeux de construction, le mécano, les petits chalets suisses à assembler.
Être minguet en a rajouté dans mes difficultés scolaires à l’école primaire avec des heures de travail manuel qui tournaient au supplice. Une année, nous devions construire une église miniature avec des allumettes et une maquette de planeur en bois de cagette. Avant les vacances, nous avions le droit de récupérer nos travaux pour les emporter chez nous. Je me souviens de ce dernier jour d’école où j’avais envie de dire au maître que je n’avais que faire de ces saletés qui m’avaient coûté tant de vains efforts et de remontrances. À peine rentré chez moi, je me suis isolé dans un coin du jardin et j’ai piétiné le planeur avec une volupté dont je me souviens encore comme si c’était hier. Après, pour continuer de célébrer la liberté qui commençait et qui durait à l’époque jusqu’à la mi-septembre, j’ai foutu le feu à l’église qui a fait une belle flamme parce qu’elle était construite en carton recouvert d’allumettes.
En ces temps lointains, on chantait encore Vive les vacances / plus de pénitences / les cahiers au feu / les maîtres au milieu. Je me rappelle avoir gueulé cette chanson au milieu du potager et dansé la danse du scalp (je jouais beaucoup aux indiens) sur les débris de ces objets absurdes qu’on m’avait contraint de fabriquer. La revanche secrète du minguet !
C’est aussi ce jour-là, pendant ce grand défoulement solitaire, que j’ai senti se former dans mon esprit de gosse ombrageux (sagittaire, signe de feu ! disait de moi la vieille voisine) une des premières images poétiques que je n’avais bien entendu pas encore l’âge d’identifier comme telle mais qui est restée gravée en moi : la flamme de la colère qui s’épanouit comme la corolle d’une fleur dépliée par le vent sec de cette veille de vacances !
Et me voici aujourd’hui encore en train de brûler du bois que j’ai tronçonné cette semaine en poussant des jurons dont on a dû profiter à l’autre bout du village. Excuse-moi papa, mais ça soulage tellement !
Les Variations symphoniques (extrait)
© Éditions Orage-lagune-Express, 2013. Droits réservés.
Photo 2 : Linette joue la mouche du coche.
03:23 Publié dans Les variations symphoniques | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : feu, hiver, bûche, affouage, bois, stère, coupe, chauffage, bois de chauffage, allumettes, cagette, variations symphoniques, christian cottet-emard, sagittaire, signe de feu, blog littéraire de christian cottet-emard, note, journal, souvenir, enfance, colère, école, maître d'école, instituteur, pénitence, punition, vacances, poésie, littérature, révolte, caractère ombrageux, mélancolie, exaspération, maladresse, mains